Se perdre en montagne!
En ce début de période estivale propice à la randonnée , cinq à six appels au secours quotidiens parviennent au standard du PGHM. Des personnes inquiètes signalent la disparition d’un proche. Il s’agit dès lors pour nous, secouristes, de localiser une personne isolée dans le milieu montagnard en ignorant d’emblée sa position , mais aussi son état de santé. La chose est loin d’être aisée dans l’immensité d’un massif montagneux très boisé , au relief tourmenté et pourtant parcouru d’innombrables sentiers.
La gendarmerie sait mobiliser tous ses hommes pour mener simultanément enquête et secours. Parfois, des semaines d’investigations seront nécessaires pour élucider le mystère d’un accident, d’une disparition. L’erreur humaine est très souvent à l’origine des drames montagnards. Aujourd’hui, on intervient peu sur des victimes mal équipées. Beaucoup de pratiquants ignorent ou transgressent les deux règles fondamentales de la randonnée qu’il convient de rappeler :
Ne pas pratiquer la montagne seul.
Partir seul est une mode , se séparer et abandonner son compagnon de route est aujourd’hui une pratique courante. C’est sans compter qu’une personne isolée ne pourra bénéficier dans des délais raisonnables d’un prompt secours puisqu’il faudra déjà la trouver. Quand en plus, elle porte des vêtements camouflés, ne dispose pas d’un téléphone et n’ a pas indiqué à quelqu’un son itinéraire et ses horaires, l’opération devient difficile, longue et coûteuse en moyens dispensés.
Quand elle peut le faire, la personne en difficulté doit savoir se faire repérer en criant, en agitant des vêtements, en se positionnant dans une clairière, en faisant un feu… L’hélicoptère soumis à des contraintes de vol peut passer trop vite et il est impossible de repérer quelqu’un qui ne manifeste pas sa présence. Le fluo, le rouge, le jaune, le blanc sont des couleurs très visibles .
S’ il dispose d’un téléphone, le randonneur doit contacter le 112, économiser ses batteries pour pouvoir communiquer avec les secouristes et suivre leurs consignes durant toute l’opération.. Enfin, il vaut mieux s’arrêter que prendre des risques, préparer éventuellement une nuit improvisée qui ne peut se concevoir qu’avec un sac à dos contenant aussi un vêtement chaud, un vêtement imperméable, une boisson, une trousse à pharmacie, un briquet, du papier…
Partir tôt pour revenir tôt
Cela permet de bénéficier de la relative fraîcheur matinale, d’éviter de fournir des efforts durant les heures les plus chaudes de la journée propices aux malaises graves. Bien sûr, par cette simple règle, on évite les orages estivaux de fin d’après midi , mais surtout en prévoyant un retour de bonne heure, on permet aux secouristes d’intervenir avant la nuit , ce qui garantit une prise en charge plus rapide.
Les brigades de gendarmerie, les offices du tourismes mettent à disposition gracieusement des brochures ou dépliants qui délivrent tous les conseils utiles à la bonne pratique montagnarde. Le site internet du PGHM de l’Ariège est un moyen d’information complémentaire.
Comment sont organisées les recherches?
La recherche des personnes égarées en montagne est très souvent complexe. Comme on vient de l’évoquer, tout dépend des objectifs et de l’itinéraire annoncés avant le départ par le randonneur, de sa faculté ensuite à se faire repérer. Le relief, l’étendue de la zone de disparition, la couverture végétale, la météorologie sont autant d’éléments qui contrarient l’opération de secours. Pour la mener à bien, faute d’éléments probants, il ne faut surtout pas élaborer d’hypothèses généralement établies sur des mauvais fondements, mais appliquer des principes opérationnels intangibles de manière à fermer toutes les portes : les cabanes et sentiers, leurs abords, les torrents et barres rocheuses en s’ éloignant progressivement du lieu de départ.
Les recherches sur le terrain
La recherche aérienne peut aboutir lorsque la météorologie permet le vol, à condition qu’il fasse encore jour, que la zone de disparition soit clairement identifiée et non boisée.
Il est primordial dans les premières heures d’engager un nombre important de sauveteurs, des chiens, un hélicoptère. La discipline des secouristes professionnels, gendarmes et pompiers est le meilleur gage de réussite. Il faut savoir voir ou entendre une personne en détresse sans détruire les éventuels indices rencontrés.
Faute de résultats dans le secteur probable de disparition, il faut prendre dans les jours qui suivent suffisamment de recul pour donner des coups de sonde ( appels et observation) dans les lieux plus éloignés, les vallées adjacentes, les crêtes, rivières et lacs qui pourraient avoir été atteints.
Les spécialistes du secours en montagne scrutent alors les endroits les plus accidentogènes, barres rocheuses, cascades… Dans les espaces à relief complexe, l’expérience en montagne a toujours démontré que la mise en place d’un dispositif lourd, composé de professionnels et de bénévoles en nombre conséquent n’avait jamais eu les résultats escomptés. Au contraire, le risque d’accident est fortement augmenté. Combien de fois, avons nous eu des regrets de découvrir tardivement des restes humains dans les endroits que nous avions déjà visités ? Quelles en sont les raisons? Tout simplement, un défaut d’alignement dans la vague de ratissage, quelques secondes d’inattention , le contournement des obstacles alors qu’il s’agit plutôt de les affronter, le découragement et le manque d’entraînement qui ne compensent pas la bonne volonté montagnarde qui anime tous nos partenaires de la dernière chance. Ne s’étant pas manifesté, dissimulé par un repli de terrain, notre randonneur n’a pas été vu. Il faudra y revenir!!!
L’ enquête judiciaire
Parallèlement à l’opération de secours, la gendarmerie poursuit des investigations auprès de sa famille , de ses amis, à son domicile auprès de son service de téléphonie, de sa banque, à son domicile, dans les gares, et en tout autre lieu où un signe de vie pourrait orienter de nouvelles recherches. Cette procédure judiciaire s’inscrit dans le durée car on ne peut exclure qu’une personne ait souffert d’amnésie ou ait voulu disparaître de son propre chef. Le cas est extrêmement fréquent en France.
Et les proches?
Bien souvent désarmés, ignorant l’essentiel du milieu montagnard et de ses contraintes, ils espèrent bien au delà du raisonnable et ne comprennent pas que l’ on ne trouve pas tout de suite. Les marins s’y résignent, pas les montagnards. Nous espérons tous rendre un corps à sa famille, et ne baissons jamais les bras, même si nous comptons aussi sur la facteur chance, et la découverte fortuite par un chasseur, randonneur , berger…
La famille, généralement, met en doute l’organisation des recherches, tente de relancer une machine qu’elle juge défaillante, se raccroche aux incontournables radiesthésistes qui entrent en oeuvre en seconde semaine, lorsque les médias se sont largement emparés de sa douleur pour alimenter la rubrique des faits divers de vacances.
Quand à nous!
Les secouristes en montagne sont régulièrement confrontés à la détresse humaine. La disparition d’une personne en montagne est la chose la plus grave qu’ils puissent admettre. Sans jamais se décourager, malgré une multitude de sollicitations, les gendarmes du PGHM quadrillent sans relâche le terrain en professionnels . Vous ne les verrez pas toujours car ils évoluent dans les zones les plus inaccessibles , les moins évidentes, là où un corps n’a pu être vu par quelqu’un d’autre. Nous bénéficions dans la continuité des recherches de l’appui régulier des gendarmes de montagne , et autres randonneurs aguerris, chasseurs et bergers du coin qui partagent avec nous un esprit simplement montagnard qui veut qu’on n’abandonne personne. Merçi à eux.
Lieutenant FAUVET, Emmanuel
Commandant le PGHM.
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